- Type d'objet
- figure d'orfroi
- Titre
- Saint Louis
- Lieu de production
- Paris
- Période de création
- 1er quart du XVIe siècle
- Interventions postérieures
remontée sur une bourse de corporal en damas de soie crème au tournant du XXe siècle, partiellement rebrodée
- Fond
- damas de soie crème (vers 1860-1930), carton (plats de la bourse), toile de coton rouge (doublure, récente), toile en fibres végétales (lin ?) (support de la broderie)
- Matériaux de la broderie
- fils de soie polychromes, filés métalliques organiques dorés, cordonnets de filés métalliques organiques dorés, câblés de filés métalliques organiques dorés, fils de laine noirs (récents), fil chenille (récent)
- Passementerie
- galon or et soie (récent)
- Techniques de la broderie
- broderie de rapport, couchure, point d’Orient, point fendu, passé empiétant, passé plat, point de tige
- Dimensions
-
objet : h. 27 cm ; la. 21 cm ; ép. 1,5 cm
figure : h. 13,2 cm ; la. 5,6 cm
galon : la. 1,4 cm
- Provenance
- non documentée, classée au titre des monuments historiques le 20 mars 1928
- Lieu de conservation
- Île-de-France, Val-d'Oise, Pontoise, église Notre-Dame
Notice
Un saint Louis en broderie
Découpée à une date inconnue de son orfroi d'origine, cette petite figure, que le chanoine Marsaux a vue vers 1901 [1], a été réappliquée au tournant du XXe siècle sur une bourse de corporal en damas de soie blanc[2]. Nimbée et couronnée, elle est revêtue d'une aube, d'une dalmatique et, par-dessus, d'un manteau bleu fleurdelisé à collet d'hermine[3]. Ce vêtement, associé au sceptre et à la main de justice qu'elle tient respectivement dans ses mains gauche et droite, permettent de reconnaître saint Louis, roi de France (1226-1270), représenté avec ses attributs traditionnels. La provenance de ce textile n'est pas connue. L'église Notre-Dame ayant été entièrement reconstruite après sa destruction lors du siège de 1589 dans le contexte des guerres de Religion, la broderie pourrait avoir été sauvée des décombres ou provenir d'un autre établissement religieux de la ville où le souverain fonda, en 1259, un Hôtel-Dieu et où il fit l'objet d'un culte particulier.
Une broderie d'après Jean d'Ypres ?
On retrouve dans les traits du roi un type élaboré à Paris dès le deuxième quart du XVe siècle par André d'Ypres (le Maître de Dreux Budé), avant d'être repris par les deux générations suivantes de la dynastie : Colin d'Amiens (le Maître de Coëtivy) puis Jean (le Maître des Très Petites Heures d'Anne de Bretagne) et Louis d'Ypres. Dans ce cas précis, on peut se demander si le brodeur a traduit à l'aiguille un modèle dessiné ou s'il a eu recours à l'une des gravures sur bois de l'invention de Jean d'Ypres, ce dernier ayant collaboré étroitement avec les éditeurs parisiens auxquels il donna de nombreux modèles entre 1490 et 1508[4].
On note que les yeux en amande, le nez en trompette et la mâchoire avancée du Saint Louis de Pontoise s'apparentent à ceux des spectateurs du Martyre de saint Jean, imprimé pour la première fois en 1496 par Philippe Pigouchet pour Simon Vostre (Bibliothèque de l'Arsenal, Res. 8-T-2526) d'après des patrons de Jean d'Ypres. Ce rapprochement, de même que le type de broderie considéré (d'une fabrication courante, dans laquelle les figures étaient brodées à part sur toile avant d'être fixées sur la bande d'orfroi), invitent à pencher pour une source d'inspiration gravée, adaptée par l'exécutant, dans un atelier de brodeurs actif à Paris vers 1500.
Échos du « style d'Ypres » en broderie
Les compositions du « style d'Ypres » ont largement circulé par l'intermédiaire des livres d'heures et des xylographies en feuille. Les récents travaux de Catherine Yvard ont démontré leur succès dans la production d'émaux et de sculpture sur ivoire, pierre et bois au XVIe siècle[5], une liste à laquelle on peut aujourd'hui ajouter la broderie. Le Saint Louis de Pontoise l'atteste, de même qu'un recueil d'ornements manuscrit conservé à la bibliothèque de l'Arsenal (Ms 3248), dans lequel des modèles d'après Jean d'Ypres ont été mis en grille afin d'être transposés suivant les techniques de la broderie au point compté ou sur filet [6]. Ce premier ensemble pourra être complété à l'avenir avec d'autres exemples qu'il reste à identifier dans les collections textiles en France et à l'étranger.
Astrid Castres
[1] Léopold Henri Marsaux, « Notice sur quelques broderies du diocèse de Versailles », Mémoires de la Société historique et archéologique de l'arrondissement de Pontoise et du Vexin, n° 23, 1901, p. 88 (« Le voile est en satin blanc ; au centre, une croix de Malte galonnée sur laquelle est appliquée une figure de saint Louis »). Dans son état actuel, l'objet résulte donc d'un dernier remontage, sans doute à situer entre 1901 et son inscription au titre des monuments historiques en 1928.
[2] L'étoffe de la bourse a été datée entre 1860 et 1930 par Florence Valantin (communication écrite en date du 1er octobre 2016), que nous remercions chaleureusement pour cette information.
[3] Suivant Roland Vasseur, saint Louis aurait souvent été revêtu d'habits liturgiques dans l'iconographie (Roland Vasseur, Art religieux dans les pays du Val d'Oise, Cergy-Pontoise, s. n., 1980, no 80).
[4] Sur la famille d'Ypres, lire Nicole Reynaud, « Un peintre français cartonnier de tapisseries au XVe siècle : Henri de Vulcop », Revue de l'Art, n° 22, 1973, p. 6-21 ; Geneviève Souchal, « Un grand peintre français de la fin du XVe siècle : le Maître de la Chasse à la Licorne », Revue de l'art, n° 22, 1973, p. 22-49 ; François Avril et Nicole Reynaud, Les manuscrits à peintures en France (1440-1520), Paris, BnF/Flammarion, 1993, p. 265-270 ; Philippe Lorentz, « La peinture à Paris au XVe siècle : un bilan (1904-2004) », dans Thiébaut Dominique (dir.), Primitifs français. Découvertes et redécouvertes, Paris, RMN, 2004, p. 86-107 ; Nicolas Oget, « La vie et la carrière de Nicolas d'Amiens, peintre à Paris dans la seconde moitié du XVe siècle : un état de la question », Documents d'histoire parisienne, n° 20, 2018, p. 5-16.
[5] Catherine Yvard, « Translated Images: from Print to Ivory in the Late Fifteenth and Early Sixteenth Century », dans Catherine Yvard (dir.), Gothic Ivorys: Content and Context, Londres, Courtauld Books Online, 2017, p. 57-67 ; ead., « Échos d'Ypres : ivoire, émail, nielle, bois et pierre », dans Séverine Lepape, Michel Huynh et Caroline Vrand (dir.), Mystérieux coffrets. Estampes au temps de la dame à la licorne, Paris, Liénart éditions et Musée de Cluny-Musée national du Moyen Âge, 2019, p. 68-75.
[6] Astrid Castres, « Broder chez soi au XVIe siècle : à propos d'un livre de patrons conservé à la bibliothèque de l'Arsenal », Albineana. Cahiers d'Aubigné, Antoinette Gimaret, Anne-Marie Miller-Blaise et Nancy Oddo (dir.), Les objets domestiques entre privé et public (XVIe-XVIIe siècles), n° 32, 2020, p. 179-205.
Bibliographie
Marsaux, Léopold Henri, « Notice sur quelques broderies du diocèse de Versailles », Mémoires de la Société historique et archéologique de l'arrondissement de Pontoise et du Vexin, n° 23, 1901, p. 88.
Vasseur, Roland, Art religieux dans les pays du Val d'Oise, Cergy-Pontoise, s. n., 1980, n° 80.
Sitographie et bases de données
POP. La plateforme ouverture du patrimoine : https://pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM95000547