Type d'objet
bourse
Lieu de production
France
Période de création
2e tiers du XVIe siècle / 4e quart du XVIe siècle
Fond
satin de soie rouge, taffetas violet (doublure), papier (triplure)
Matériaux de la broderie
fils de soie bleus et noirs, cannetille or, cannetille argent
Passementerie
cordons de fils de soie crème et de filés métalliques, houppes de fils de soie crème, bandes de fils de soie crème et de filés métalliques, glands de filés métalliques sur âme de bois
Techniques de la broderie
couchure de cannetille, guipure de cannetille
Dimensions

h. 12,9 cm (sans le cordon) ; la. 15,3 cm (sans les boutons) ; ép. 1,5 cm

Provenance
collection Roger Rodière, don au musée diocésain d'Arras en 1941
Lieu de conservation
Hauts-de-France, Pas-de-Calais, Arras, cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Vaast
Numéro d'identification
457

Notice

Une bourse à cordons

Donnée au musée diocésain d’Arras en 1941 par Roger Rodière, cette bourse est constituée d’une pièce de satin rectangulaire pliée en deux, dont la lisière verte et crème est visible sur l'une des faces. Elle est assemblée sur les côtés à l’aide de bandes-coutures – une technique qui consiste à tisser ces dernières et à les coudre simultanément sur la bourse en passant la trame à l’aide d’une aiguille à travers les bords du tissu – terminées par des boutons et des houppes de soie. Bien attesté dans la production textile à la fin du Moyen Âge, ce procédé permet un assemblage solide et résistant aux frottements[1]. Cinq cordons, dont quatre se prolongent par des glands de passementerie, complètent l’ensemble : un de préhension formant une anse sur le dessus, deux, sur les côtés, assurant la fermeture, et deux décoratifs sur l’avant et l’arrière de l’objet.

Cette construction correspond à celle des bourses à cordons (drawstrings bags) du XIVe siècle retrouvées dans les années 1970 lors des fouilles de la Tamise à Londres[2] et d'une autre conservée au Museum of Fine Arts de Boston datée du tournant du XVIIe siècle (inv. n° 63.1368), un type bien représenté dans l'iconographie. Certaines étaient adaptées au transport de livres, à l'image de celle figurée dans le Triptyque de Mérode, peint vers 1427-1432 dans l'atelier de Robert Campin (New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 56.70a-c). Les plus petites, comme celle d’Arras, étaient portées par les hommes et les femmes à la ceinture et servaient à transporter de la monnaie, l’ouverture étroite permettant de n’y glisser que quelques doigts[3]

 

Une bourse du XVIe siècle

De provenance inconnue, cet objet est difficile à dater avec précision. En 1941, l’abbé Lestocquoy avait proposé d'en situer la fabrication aux XIIIe et XIVe siècles[4] mais l’analyse des techniques employées conduit à une datation plus tardive. En effet, la forme en poire des glands principaux ainsi que l'emploi du point de recouvrement dit de Milan, qui dessine un décor de chevrons sur les boutons placés aux extrémités de la bourse, ne sont attestés qu'à partir du deuxième tiers du XVIe siècle. On les retrouve aussi bien sur l’imposant gland qui orne la dague de Jean de Dinteville, peint par Hans Holbein en 1533 dans le portrait des Ambassadeurs conservé à la National Gallery de Londres (inv. n° NG 1314), qu’en contexte funéraire, comme en témoignent les boutons datés vers 1538 et trouvés dans la tombe de Francesco Maria I della Rovere[5]. Il en est de même du décor couvrant de cannetille métallique, qui correspond à une mode qui ne saurait être antérieure au XVIe siècle[6]

 

La production d'un atelier professionnel

En France, l'ornementation des bourses était assurée tant par des artisans spécialisés qu’au sein de l’espace domestique, une pratique à laquelle étaient destinés des livres imprimés de modèles à usage textile[7]. Celui publié par Peter Quentel en 1527 présente des planches ornées de compositions de croisillons et d’étoiles à huit branches semblables à celles brodées de fils de soie bleus et noirs qui couvrent le fond de la bourse d’Arras (Paris, BnF, RESERVE 4-LH-1). Si ces motifs étaient parfois réalisés par les amatrices de travaux d'aiguille, les techniques de pose de cannetille et de passementerie mises en œuvre sur cet objet sont particulièrement raffinées et témoignent plutôt d’une production professionnelle.

 

Un remploi ? 

Outre le décor du fond, sont brodés dans la partie inférieure de la bourse des lettres grecques (trois lambda et un mu) – à replacer dans le contexte d'engouement humaniste pour les sources hellénistiques prégnant, en France, depuis la fin du règne de François Ier jusqu'à celui de Henri III[8] – des écus, des soleils et des roues, dont l’état fragmentaire en rend l’interprétation difficile et qui sont associés à ce que Lestocquoy a identifié au monogramme du Christ[9]. Ces symboles, tracés avec une cannetille plus épaisse, dont certains s’insèrent maladroitement dans les croisillons, semblent avoir été ajoutés a posteriori. Il est ainsi vraisemblable que cette bourse est passée d’un usage civil à un usage religieux à la suite d'un don pour servir à conserver des reliques, ce qui expliquerait par ailleurs son excellent état de conservation.

 

Dauphine de Haldat


 

[1] Elisabeth Crowfoot, Frances Pritchard et Kay Staniland, Textiles and Clothing. Medieval Finds from Excavations in London, c.1150-c.1450, t. 4, Londres, HMSO, 1992, p. 158-161 ; Nadège Gauffre Fayolle, « La passementerie dans la garde-robe aristocratique à la fin du Moyen Âge : Rubans, tissus, bisettes, tresses ou cordons », dans Astrid Castres, Françoise Cousin et Corinne Duroselle (dir.), Finitions textiles. Rubans, galons, franges, lisières, actes des journées d’étude de l’Association française pour l’étude du textile [Bourgoin-Jallieu, 25-26 novembre 2022], Paris, Les Indes Savantes, 2022, p. 26. 

[2] Geoff Egan et Frances Pritchard, Dress Accessories c.1150-c.1450, Londres, HMSO, 1991, p. 348. 

[3] Olaf Goubitz, Purses in pieces. Archaeological finds of late medieval and 16th-century leather purses, pouches, bags and cases in the Netherlands, Zwolle, SPA Uitgevers, 2007, p. 61.

[4] Jean Lestocquoy, « Une aumônière du XIIIe-XIVe siècle », Bulletin de la commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, t. VII, 1941-1949, p. 229 et 405-406. 

[5] Urbin, Galleria Nazionale delle Marche, étudiés par Roberta Orsi Landini, Moda a Firenze, 1540-1580. Lo stile di Cosimo I de’Medici, Florence, Mauro Pagliai, 2011, p. 212. 

[6] Voir quelques exemples de reliures brodées de cannetille dans Sabine Coron et Martine Lefèvre (dir.), Livres en broderie. Reliures françaises du Moyen Âge à nos jours, catalogue de l'exposition [Paris, Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque de l'Arsenal, 30 novembre 1995-25 février 1996], Paris, BnF/DMC, 1995, nos 8, 12 et 16, p. 53-58.  

[7] Margaret Abbeg, Apropos Patterns for Embroidery, Lace and Woven Textiles, Berne, Stämpfli, 1978 ; Astrid Castres, « Broder chez soi au XVIe siècle. À propos d’un livre de patrons conservé à la bibliothèque de l’Arsenal », Albineana, Cahiers d'Aubigné, n° 32 : Les Objets domestiques, entre privé et public (XVIe-XVIIe siècles), 2020, p 179-205. 

[8] Voir, par exemple, les Grecs du roi, police de caractères composée par Claude Garamond, commandés par François Ier en 1540 (Rémi Jimenes, Claude Garamont, typographe de l’humanisme, Paris, Éditions des Cendres, 2022) et les lettres grecques qui ornent le collier de l'ordre du Saint-Esprit, fondé par Henri III en 1578. 

[9] J. Lestocquoy, art. cité, p. 405.

Source manuscrite

Lille, documentation de la DRAC, Patrick Wintrebert, Fiche inventaire, 1982.

 

Bibliographie

Lestocquoy, Jean, « Une aumônière du XIIIe-XIVe siècle », Bulletin de la commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, t. VII, 1941-1949, p. 229 et 405-406. 

Le trésor de la cathédrale d’Arras, catalogue de l’exposition [Arras, musée des Beaux-Arts, palais Saint-Vaast, 31 août-13 octobre 1986], Arras, Commission départementale d’histoire et d’archéologie du Pas-de-Calais, 1986, n° 117, p. 75. 

Pour citer cette notice :
Haldat, Dauphine de, "bourse, Arras, cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Vaast", Catalogue des broderies des collections publiques françaises (1200-1600), mis en ligne le 30 juin 2025. https://broderies.saprat.fr/notice/89.